Les blessures invisibles de l'âme

Les blessures invisibles de l'âme
Le besoin d’être vu
"Parfois, être vu est le plus grand des miracles."
— Brené Brown

Une surprise touchante qui remue quelque chose de profond

Il y a quelques jours, j'ai reçu un message qui m’a profondément touchée. Un ancien collègue – avec qui j’avais tissé de vrais liens lors de nos voyages au bout du monde – m’a envoyé deux photos. Sur la première : la couverture de son nouveau livre. Et sur la deuxième, une page de remerciements juste pour moi. Il m’y remerciait pour l’inspiration.

J’ai ressenti une immense vague d’émotion. D’abord de la joie, évidemment. Puis une forme d’orgueil. Et enfin… un petit pincement intérieur. Une question : pourquoi je réagis comme ça ?

C’était flatteur, bien sûr. Il est écrivain et son livre est publié en Belgique. Mais ce n’est pas tant la visibilité qui m’a remuée. C’est l’intention. Le simple fait que quelqu’un, quelque part, ait écrit un livre en pensant à moi. Qu’un souvenir partagé, une complicité vécue, ait nourri une histoire.

Donc ce qui me touche le plus, ce n’est pas la reconnaissance. C’est de me sentir vue. Perçue. Retenue. C’est cette impression d’avoir compté. D’avoir existé pleinement aux yeux de quelqu’un, simplement en étant moi.

Le besoin d’être vu : entre amour-propre et blessures d’enfance

En creusant un peu plus, j’ai senti une autre émotion, plus profonde : celle d’un vide intérieur que cette reconnaissance venait momentanément remplir. Une blessure bien plus ancienne. Celle de l’enfant invisible. Celle de la petite fille ignorée, pas entendue, souvent rejetée. Celle qui avait appris à briller, à performer, à faire rire, pour mériter un peu d’amour. Celle qui, encore aujourd’hui, cherche des preuves qu’elle a de la valeur.

Je crois que cette réaction révèle quelque chose d’essentiel. Malgré tout le chemin que j’ai fait, malgré tout le travail d’amour de soi, d’introspection, de shadow work… mon ego, lui, recherche encore cette reconnaissance. Ce besoin d'exister aux yeux de l’autre. Pas pour la gloire. Pas pour l’admiration. Mais pour la preuve, même infime, qu’on compte.

Comprendre les blessures de l’âme : une clé pour guérir

Ce que j’ai ressenti à ce moment-là fait directement écho à ce qu’on appelle les blessures de l’âme, concept popularisé par Lise Bourbeau. Selon elle, nous portons en nous cinq grandes blessures émotionnelles, souvent héritées de l’enfance, qui influencent profondément notre manière de vivre et de nous relier aux autres :

  • Le rejet
  • L’abandon
  • L’humiliation
  • La trahison
  • L’injustice

Chaque blessure se manifeste dans nos comportements, nos émotions, nos choix, nos relations… et tant qu’elle reste inconsciente, elle continue de diriger notre vie en arrière-plan.

Ma blessure : celle du rejet

Je pense que je porte profondément en moi toutes les blessures de l’âme, chacune ayant laissé une trace plus ou moins marquée selon les moments de ma vie. Mais dans ce cas précis, celle qui s’est activée, c’est la blessure de rejet.

Cette blessure, chez moi, trouve ses racines dans un profond sentiment de non-appartenance. En France, on me faisait sentir que je n’étais qu’une immigrée. Au Vietnam, on m’a fait comprendre que je n’étais plus vraiment vietnamienne. Dans ma fratrie, je suis la deuxième, celle qui « n’apportait rien ». Mes parents espéraient des garçons, ils avaient déjà eu ma sœur — j’étais perçue comme celle de trop.

À l’école primaire, j’étais « l’intello », celle qui maîtrisait parfaitement la lecture, l’écriture et la langue française, entourée d’enfants immigrés qui peinaient à suivre. Au collège, j’étais l’immigrée pauvre. Bref, pendant longtemps, je n’ai trouvé ma place nulle part. Et quand, plus tard, j’ai enfin réussi à en construire une, la blessure, elle, était déjà bien ancrée.

Cette blessure peut parfois même naitre dès la grossesse, lorsque l’enfant ressent qu’il n’est pas désiré, qu’il dérange ou qu’il n’a pas pleinement sa place. Elle crée un sentiment profond de non-appartenance, une impression d’être toujours « en dehors », toujours de trop ou pas assez.

Ceux qui portent cette blessure ont souvent peur de s’exprimer pleinement, de déranger, d’être rejetés s’ils montrent leur vrai visage. Ils peuvent se faire petits, discrets, ou au contraire en faire trop pour se rendre visibles, pour « mériter » d’exister.

Et c’est exactement ce que j’ai ressenti. Cette reconnaissance, aussi simple soit-elle, venait comme confirmer que j’existe, que j’ai compté, que j’ai laissé une trace dans la vie de quelqu’un. C’est ce que mon enfant intérieur n’a jamais osé espérer, mais a toujours secrètement désiré.

Que faire de cette prise de conscience ?

Une fois qu’on a mis le doigt sur une blessure, la tentation peut être grande de vouloir la “corriger” tout de suite. Mais ce n’est pas un problème à résoudre. C’est une partie de soi à aimer.

Ce que ce moment m’a appris, c’est que je n’ai pas besoin de repousser ce besoin de reconnaissance. Je n’ai pas à me juger de ressentir ça. Je peux simplement en faire une opportunité de guérison.

Et voici ce que je retiens pour avancer :

  • Accueillir mes émotions sans honte. Ressentir ce besoin d’être vue ne fait pas de moi quelqu’un de faible. Ça fait de moi un être humain sensible, avec une histoire.
  • Me valider moi-même. M’offrir la reconnaissance que j’attends souvent des autres. Me dire à moi-même : tu as de la valeur, tu comptes, même si personne ne te le dit. (Bon si, on me l'a déjà dit, mais j'ai toujours du mal à le croire)
  • Nourrir l’amour propre au quotidien. En faisant des choix qui respectent mes besoins, en posant des limites saines, en cultivant ma joie.
  • Transformer la blessure en tremplin. Ce moment de vulnérabilité est aussi une force. Il me rend plus consciente, plus vivante, plus connectée à celles et ceux qui traversent la même chose.

Encore une nouvelle synchronicité puissante.

Ce geste de mon collègue, cette dédicace, ce message inattendu, c’est plus qu’une anecdote. C’est un signe puissant qui arrive à un moment clé de ma vie. Celui où je travaille sur moi-même pour prendre ma place dans la société, pour oser enfin sortir de ma cachette, pour partager ma voix à travers ce blog et laisser une empreinte.

C’est comme une confirmation : je suis sur la bonne voie. Même si le doute revient parfois, même si mon passé laisse encore des traces, je sens que quelque chose s’aligne. Et je suis prête à continuer ce chemin, plus consciente, plus authentique, plus libre.


Et toi, est-ce que tu as déjà ressenti ce besoin profond d’être reconnu·e, validé·e, vu·e ? Est-ce qu’il t’arrive encore de chercher cette preuve extérieure que tu as de la valeur ?

💬 Je serais heureuse de lire ton expérience en commentaire. On avance ensemble, sans masque, sans filtre.