Hypersensible : quand sentir trop devient une force

"Être sensible dans un monde qui ne l’est pas, ce n’est pas une faiblesse… c’est du courage."
— Jean-Pierre Jeunet
Hypersensible… sans le savoir ?
Non en fait, je sais que je suis hypersensible, mais je ne voulais pas me l'avouer.
Et je ne parle pas de la version "je pleure devant Bambi" (même si…oui j'ai pleuré, je pleure même devant Mister Bean c'est pour dire 😅).
Mais plutôt la version où tout me traverse : les injustices (envers moi ou envers d'autres), les mots durs, les regards, les non-dits.
Où chaque émotion est décuplée, parfois même avant que je comprenne ce qui se passe.
Quand je suis en colère, je pleure.
Quand je suis touchée, je pleure.
Et même quand je ris… mes larmes ne sont jamais bien loin.
Le masque du sarcasme…
Alors pendant longtemps, j’ai porté un masque :
Du cynisme, de l’ironie, des réponses piquantes.
Un humour bien aiguisé, qui tombait toujours au bon moment… mais qui ne disait jamais ce que je ressentais vraiment.
Dès que je sentais ma gorge se nouer,
que mon cœur se serrait,
je savais que les larmes n’étaient pas loin.
C’était physique.
Comme une vague chaude et brutale qui monte depuis la poitrine,
qui serre la trachée, qui brouille la vue,
qui comprime tout à l’intérieur,
et qui menace d’exploser à la moindre étincelle.
Et dans ces moments-là,
j’activais le réflexe : blague.
Une phrase ironique, une connerie, un retournement absurde…
comme un coup de volant émotionnel pour esquiver le crash.
C’était ma façon de court-circuiter le réel,
de tromper mon système nerveux,
de faire croire à mon corps que tout va bien,
alors que tout criait à l’intérieur.
À force, c’est devenu automatique.
Quelqu’un disait un truc qui me touchait, qui me déstabilisait ?
BIM. Une blague. Dans n'importe quelle situation, même au travail.
Sans même réfléchir. Comme un mécanisme bien huilé.
Et parfois, les gens me disaient :
— “Mais tu sors ça d’où toi encore ?”
Et moi :
— “Je sais pas, moi aussi j’aime bien me laisser surprendre par ce qui sort de ma bouche.”
Mais au fond, je le savais.
C’était juste ma façon de détourner l’émotion.
De cacher cette vulnérabilité qui me faisait peur.
De ne pas laisser voir que ça m’atteignait vraiment. Pour ne pas montrer mes faiblesses.
Et l’amour dans tout ça ?
Quand on est hypersensible, on tombe souvent et très vite amoureuse.
Ce n’est pas de l’impulsivité.
C’est juste que notre cœur est grand ouvert.
On ressent fort, on capte l’autre, son énergie, son potentiel… et on se projette sans filtre.
On ne voit pas seulement ce qui est, on ressent tout ce que ça pourrait devenir.
Et parfois, on tombe amoureuse d’une vibration, d’une possibilité, d’un rêve éveillé.
Mais attention : ce n’est pas toujours de l’amour.
C’est parfois une connexion émotionnelle intense que l’on confond avec de l’attachement ou du désir de fusion.
Et oui, il arrive qu’on s’imagine déjà toute une vie avec une personne qu’on vient juste de rencontrer.
Ce n’est pas “bizarre” (du moins pour moi 😆), c’est juste une manifestation de notre sensibilité extrême… et bon aussi de notre imagination débordante.
Mais en fait, c’est quoi l’hypersensibilité ?
L’hypersensibilité, ce n’est pas juste "être émotif".
C’est un mode de fonctionnement neurologique et émotionnel.
C’est un trait de personnalité qui concerne environ 20% de la population.
On ressent plus fort. On capte plus. On analyse plus.
Les sons, les lumières, les regards, les énergies…
Tout est amplifié. Comme si le volume du monde était plus fort pour nous.
Mais ce n’est pas un trouble.
C’est une façon d’être au monde.
Le terme a été démocratisé par Elaine Aron, psychologue américaine, qui a mené des études approfondies sur ce qu’elle appelle les HSP (Highly Sensitive Person).
Et devine quoi ? Ce n’est pas une tare, ni une faiblesse à corriger.
C’est une intelligence émotionnelle, sensorielle et intuitive… à apprivoiser.
Pourquoi est-on comme ça ?
Il y a des facteurs biologiques et génétiques.
Certaines zones du cerveau (comme l’amygdale ou l’insula) sont plus actives chez les hypersensibles.
Mais il y a aussi l’environnement.
👉 Grandir dans un climat instable, ou au contraire très exigeant, peut amplifier cette sensibilité.
👉 Être un enfant “sage”, qui comprend tout trop vite, qui ressent les tensions, qui “devine” les émotions des autres…
Souvent, ça commence très tôt, et on s’adapte en développant une hypervigilance.
C’est ce qui explique qu’on soit aussi perméables à l’humeur des autres.
On absorbe. On anticipe. On sent tout… sans toujours savoir quoi en faire.
Apprivoiser son hypersensibilité : concrètement, on fait comment ?
Être hypersensible ne veut pas dire subir chaque émotion de plein fouet sans pouvoir rien faire.
Tu peux apprendre à réguler, à poser des limites, à te protéger sans te fermer.
Voici quelques pistes qui m’aident (et qui pourraient t’aider aussi) :
- Accueillir au lieu de bloquer
Lutter contre une émotion l’amplifie.
Alors quand elle monte, respire et observe-la sans jugement.
Laisse-la passer comme une vague.
- Respirer et revenir au corps
Ramène-toi ici et maintenant :
✨ Respiration 4-6
✨ Auto-massage, étirement
✨ Bain, nature, silence
- Écrire ce que tu ressens
Le journaling est devenu mon exutoire.
C’est un lieu sûr où ton émotion devient parole, au lieu de devenir blocage.
- Dire non, ralentir, te retirer
Tu n’as rien à prouver.
Tu as le droit de préserver ton énergie et de te retirer du bruit.
- Créer des rituels de régénération
Fais une liste de tout ce qui te calme, t’apaise, te nourrit.
Et autorise-toi à l’utiliser sans culpabiliser.
- Parler à quelqu’un qui comprend
Thérapeute, coach, ami·e sensible, communauté…
Tu n’es pas seul·e. Et tu n’as pas à te battre contre ce que tu ressens.
Ce que l’hypersensibilité m’apporte aujourd’hui
✅ Une écoute fine de mes besoins
Je sens quand je dois ralentir. Je perçois quand mon corps dit “stop”.
Je ne me pousse plus au-delà de mes limites comme avant.
✅ Une intuition puissante
Je sens les gens. Je sens les ambiances. Je capte les non-dits.
Et souvent… j’ai raison avant même de comprendre pourquoi.
✅ Une profondeur dans les relations
Je ne peux pas faire semblant. Les liens superficiels m’ennuient.
Mais quand une relation est vraie… elle est intensément belle.
✅ Une richesse intérieure
Je vis tout profondément : l’art, la nature, une simple chanson…
Je pleure facilement, oui. Mais je ris aussi avec tout mon être.
En conclusion…
Si tu te reconnais dans mes mots, sache que tu n’es pas seul·e.
Et surtout : tu n’as rien à réparer.
Ton hypersensibilité est un don brut,
qui demande peut-être un peu d’apprivoisement,
mais qui peut devenir une force de sagesse, de lien et de création.
Alors si ta gorge se noue parfois,
si tes larmes montent sans prévenir,
si tu ressens trop fort, trop vite, trop tout…
Souviens-toi que ce “trop” est en réalité une intensité qui peut illuminer le monde.
À condition de ne plus avoir honte d’être entièrement toi.